Edito N° 129 // Janvier 2023
L’ictère est un motif fréquent de consultation en période néonatale. C’est un symptôme qui ne doit en aucun cas être négligé car il peut encourir des complications graves, mettant en jeu le pronostic vital ou fonctionnel de l’enfant.
Dans la majorité des cas, il s’agit d’un ictère à bilirubine libre exposant le nouveau-né au risque d’encéphalopathie hyperbilirubinémique avec des séquelles neurologiques irréversibles et des handicaps neurosensoriels sévères. L’ictère cholestatique fait craindre en premier une atrésie des voies biliaires, véritable urgence diagnostique et thérapeutique qui nécessite un traitement chirurgical avant 45 jours de vie afin d’éviter l’évolution vers une cirrhose hépatique.
À la différence des pays occidentaux, l’ictère par incompatibilité fœto-maternelle Rhésus D constitue encore un problème de santé publique dans notre pays, le groupage Rhésus et la recherche d’agglutinines irrégulières doivent obligatoirement faire partie du bilan initial de suivi de toutes les grossesses, une surveillance particulière doit être instaurer chez les femmes enceintes rhésus négatif.
À la naissance, les nouveau-nés à risque d’allo-immunisation Rhésus doivent obligatoirement bénéficier d’un groupage et d’un test de Coombs par prélèvement du sang du cordon ombilical afin de détecter précocement une incompatibilité fœto-maternelle.
A la maternité, le dépistage de l’ictère doit être systématique chez tous les nouveau-nés ; un ictère précoce, survenant dans les premières 24 heures de vie, est toujours pathologique et nécessite l’hospitalisation. En cas de sortie précoce de la maternité, une sensibilisation des parents sur l’importance de la surveillance de l’ictère s’impose.
L’ictère physiologique ou ictère commun est certes fréquent mais il ne doit être retenu qu’après avoir éliminé d’autres étiologies plus sévères comme une incompatibilité fœto-maternelle dans le système rhésus ou une forme sévère d’incompatibilité fœto-maternelle dans le système ABO qui nécessitent selon les chiffres de la bilirubinémie le recours à un traitement par la photothérapie, les immunoglobulines intraveineuses, voire une exsanguino-transfusion si l’hyperbilirubinémie est menaçante.
L’ictère prolongé peut être le signe révélateur d’une pathologie sévère tel une hypothyroïdie congénitale, une infection urinaire ou une atrésie des voies biliaires. Quant au diagnostic d’ictère au lait de femme, il s’agit d’un diagnostic d’élimination qui ne peut être retenu qu’après avoir éliminé les autres étiologies d’ictère prolongé.
À prédominance libre ou conjuguée, l’ictère néonatal ne doit jamais être banalisé, il nécessite une démarche diagnostique raisonnée et une prise en charge précoce. En effet, les praticiens prenant en charge les nouveau-nés doivent identifier les nouveau-nés à risque, se munir de protocoles de dépistage et de traitement, qui permettent de rationaliser la prise en charge de l’ictère, sans le sous-estimer.
Pr Abderrahim HABZI
Service de Médecine et de Réanimation Néonatale, Hôpital Mère-Enfant Abderrahim Harouchi, CHU Ibn Rochd – Casablanca